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Glossa, c’est un poème de Mihai Eminescu, de genre glose et qui a été publié en 1883, dans ce premier volume de poésie. Les critiques littéraires pensent que cette poésie a des influences étrangères parce qu’on retrouve plusieurs idées d'Arthur Schopenhauer, le grand philosophe allemand, et aussi  des idées du livre sacré bouddhiste Dhammapada.
 
La poésie à forme fixe est composée d'un vers de thème ou une strophe fondamentale, qui à la fin du texte est toujours repris avec l'ordre inverse des vers. En outre, chaque vers-theme est expliqué dans un certain nombre de strophes.
 
Le thème principal est de créer un code d’ethique de l’homme supérieur, qui offre un enseignement basé sur sa propre connaissance de vie et son experience philosophique. Autrement dit, le sujet de la poesie est la condition humaine soumise au temps.
 
	Le temps passe, Ie temps vienttout est ancien, tout est nouveau;
 Ce qui est mal, ce qui est bien
 Pèse et médite à tout propos;
 N'espère pas et n'aie pas peur,
 Ce qui est flot en flot s'en va,
 Si on te mande ou on te leurre.
 A toute chose reste froid.
 
 D'innombrables choses on voit,
 On en entend sonner beaucoup,
 Qui pourrait retenir cela,
 Et qui pourrait écouter tout?
 Toi, tu dois t'asseoir d'un côté,
 Tc retrouvant dans ton maintien,
 Dans les bruits de la vanité
 Le temps passe, le temps vient.
 
 Que ne penche pas son aiguille
 La balance du froid penseur
 Vers l'instant léger qui oscille
 Pour le faux masque du bonheur
 Qui surgit de sa mort peut-être
 Et retombe dans le chaos;
 Pour celui qui peut le connaître
 Tout est ancien, tout est nouveau.
 
 En spectateur au grand théâtre
 Dans ce monde imagine-toi:
 Sous masques tristes ou folâtres
 Son jeu, tu le devineras.
 S'il se dispute ou s'il en pleure
 Tu dois méditer dans ton coin
 Pour saisir dans leur art trompeur
 Ce qui est mal. ce qui est bien.
 
 Car l'avenir et le passé
 Sont les deux faces de la feuille,
 Voit-on au bout le point d'entrée
 Celui qu'exerce son oeil
 Tout ce qui fut ou qui sera
 Se trouve dans les faits, les mots,
 Quant à leur vanité déjà
 Pèse et médite à tout propos.
 
 Aux mêmes moyens destinés
 Se soumet tout ce qui existe
 Et depuis des milliers d'années
 Le monde est gai, le monde est triste
 D'autres masques, la même pièce,
 D'autres voix, mais le même choeur,
 Même trompé, dans ta détresse
 N'espère pas et n'aie pas peur.
 
 
 N'espère pas quand les salauds
 Pour le trionphe se battront
 Ils l'emporteront, les idiots
 Malgré ta belle étoile au front:
 Ne t'en fais pas, ils vont chercher
 Entre eux-mêmes se ployer bas,
 Ne sois jamais leur associé:
 Ce qui est flat, en flat s'en va.
 
 Pareil à un chant de sirène,
 On vous attire en guet-apens;
 Pour chancher les acteurs. sur scène
 On vous attrappe en vous leurrant';
 A côté glisse vite et sors,
 Ignore leurs propos flatteurs,
 De ton sentier en dehors.
 Si l'on te mande ou on te leurre.
 
 Evite cependant leurs coups,
 Face aux calomnies tais-toi bien;
 Renonce à tes conseils surtout
 Si tu connais leurs vrais moyens;
 lls peuvent parler à leur aise,
 Vive en ce monde qui vivra
 Et afin que rien ne te plaise,
 A toute chose reste froid.
 
 A toute chose reste froid,
 Si l'on te mande ou on te leurre,
 Ce qui est flot en flot s'en va,
 N'espère pas et n'aie pas peur;
 Pèse et médite à tout propos
 Ce qui est mal, ce qui est bien,
 Tout est ancien, tout est nouveau:
 Le temps passe, le temps vient.
 
"Glossa", Mihai Eminescu (1883)
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